Poésie d’un rebelle, Isabelle FELICI

Cette étude est consacrée à l’oeuvre poétique de Gigi Damiani, grand nom du journalisme anarchiste italien et compagnon de route d’Errico Malatesta. Si le parcours de vie de cet autodidacte commence et se termine à Rome (1876-1953), il le conduit dans de nombreuses métropoles, notamment celles où s’est installée une forte communauté italienne : São Paulo, Marseille, Paris, Bruxelles, Tunis. Partout il compose des poésies de lutte et d’espoir, surtout dans les moments les plus troubles de l’histoire italienne et internationale, dont des pans entiers apparaissent ainsi sous un angle inédit, tandis que se dessine également le parcours d’un militant qui, quels qu’aient été les sacrifices à accomplir, n’a jamais suivi d’autres chemins que les chemins de la liberté.

Lien de téléchargement
https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-01359814/document

Le blog d’Isabelle Felici sur les anarchistes italiens

La Source, Louise Michel

LA SOURCE

Sous la fenêtre au noir grillage,
Sans cesse on entend couler l’eau.
On se croirait en un village
Où doucement chante un ruisseau,
Ou bien dans les bois, sur la mousse,
Ouïr la source claire et douce
Qu’aiment le pâtre et le troupeau.
Ô source, coule, coule,
Coule, coule toujours.
Ainsi roule la houle,
Ainsi tombent les jours.

La nature, féconde mère,
Abreuve le tigre et l’agneau.
Ils apaisent leur soif entière
Sans jamais tarir le ruisseau.
Le soleil est à tous les êtres ;
Les hommes seuls donnent des maîtres
Aux bois, à l’herbe des coteaux.

Quand la neige couvre la terre,
Les loups hurlant au fond du bois,
Devant leur commune misère,
Ont les hasards pour seules lois.
L’homme, sur la grande nature,
Pour quelques tyrans la capture,
Burlesque et naïf à la fois.

De toutes les sources du monde,
La seule que rien ne trahit,
Qui, par bouillons, s’élance et gronde,
C’est le sang coulant jour et nuit,
Par les monts et par la vallée.
À ses quatre veines, saignée,
La race humaine, sans répit,

 

Elle saigne, elle saigne encore.
Et la goule société,
Sans cesse, du soir à l’aurore,
De l’aurore au soir, la dévore,
Horrible de férocité.
Et nul encore, sur la mégère,
Afin de délivrer la terre,
D’un bras assez sûr n’a frappé.

Pourtant, la fourmilière humaine
Manque d’abri, manque de pain.
On sait que toute plainte est vaine
Des petits qui meurent de faim.
Toute révolte est enchaînée.
La terre semble abandonnée
Au privilège souverain.

Ah ! que vienne enfin l’anarchie !
Ah ! que vienne l’égalité !
L’ordre par la seule harmonie,
Le bonheur dans la liberté !
Voici se lever, sur le monde,
Une époque grande et féconde,
Les jours d’un séculaire été.
Cesse, ô source sanglante,
Coulant depuis toujours
Monte, houle géante.
Tombez, heures et jours !

Louise MICHEL.
Louise Michel

Les chiens ont soif, Normand Baillargeon

Regardez-les aller. Lisez leurs journaux ; écoutez leurs stations de radio ; regardez leurs chaînes de télévision. Les chiens ont soif. Les médias sont déjà, dans une large mesure, contrôlés par les cartels auxquels ils appartiennent et jouent un rôle fondamental dans la préparation et l’adaptation des esprits aux « nouvelles réalités ». Tout cela échappe en partie à la connaissance du public comme à tout contrôle démocratique. L’école et l’université sont désormais transformées dans leur mission et dans leurs valeurs constitutives par ces mêmes forces, pour les mêmes raisons et avec les mêmes objectifs. À défaut d’une vaste mobilisation populaire, c’est foutu. Il va falloir se battre. L’ennemi est énorme, mais, comme toujours, pas invincible, à condition de s’y mettre tous ensemble. Au nombre des solutions, il faut considérer l’Écopar pour concevoir et rendre possible la mise en place d’institutions économiques dans le respect de valeurs qui sont celles de la gauche, plus précisément de la gauche libertaire.

 

Militant, anarchiste, Normand Baillargeon est professeur à l’Université du Québec à Montréal où il enseigne l’histoire de l’éducation et la philosophie.

La Ravachole, 1893

Dans la grand’ ville de Paris (bis)
Il y a des bourgeois bien nourris (bis)
Il y a les miséreux
Qui ont le ventre creux
Dansons la Ravachole
Vive le son (bis)
Dansons la Ravachole
Vive le son
D’l’explosion !


Refrain
Ah! ça ira, ça ira, ça ira,
Tous les bourgeois goût’ront d’la bombe,
Ah ! ça ira, ça ira, ça ira,
Tous les bourgeois on les saut’ra !


Il y a les magistrats vendus, (bis)
Il y a les financiers ventrus, (bis)
Il y a les argousins,
Mais pour tous ces coquins,
Il y a d’la dynamite,
Vive le son, (bis)
Il y a d’la dynamite,
Vive le son
D’l’explosion !
au refrain


Il y a les sénateurs gâteux, (bis)
Il y a les députés véreux, (bis)
Il y a les généraux,
Assassins et bourreaux,
Bouchers en uniforme,
Vive le son, (bis)
Bouchers en uniforme,
Vive le son
D’ l’explosion !
au refrain


Il y a les hôtels des richards, (bis)
Tandis que les pauvres dèchards, (bis)
A demi morts de froid
Et soufflant dans leurs doigts,
Refilent la comète,
Vive le son, (bis)
Refilent la comète,
Vive le son
D’l’explosion !
au refrain


Ah ! nom de Dieu, faut en finir, (bis)
Assez longtemps geindre et souffrir, (bis)
Pas de guerre à moitié,
Plus de lâche pitié !
Mort à la bourgeoisie,
Vive le son, (bis)
Mort à la bourgeoisie,
Vive le son
D’ l’explosion !
au refrain

Paroles de Sébastien Faure

Le Triomphe de l’Anarchie, 1901

Tu veux bâtir des cités idéales
Détruis d’abord les monstruosités
Gouvernements, casernes et cathédrales
Qui sont pour nous autant d’absurdités
Dès aujourd’hui, vivons le communisme
Ne nous groupons que par affinités
Notre bonheur naîtra de l’altruisme
Que nos désirs soient des réalités


Refrain Debout, debout, compagnons de misère
L’heure est venue, il faut nous révolter
Que le sang coule et rougisse la terre
Mais que ce soit pour notre liberté
C’est reculer que d’être stationnaire
On le devient de trop philosopher
Debout, debout, vieux }
révolutionnaires } bis
Et l’anarchie enfin va triompher }


Empare-toi maintenant de l’usine
Du Capital, ne sois plus serviteur
Reprends l’outil et reprends la machine
Tout est à tous, rien n’est à l’exploiteur
Sans préjugés, suis les lois de Nature
Et ne produis que par nécessité
Travail facile ou besogne très dure
N’ont de valeur qu’en leur utilité
au refrain


On rêve amour au-delà des frontières
On rêve amour aussi de ton côté
On rêve amour dans des nations entières
L’erreur fait place à la réalité
Oui, la patrie est une baliverne
Un sentiment doublé de lâcheté
Ne deviens pas de la viande à caserne
Jeune conscrit, mieux te vaut déserter
au refrain


Quand ta pensée invoque ta confiance
Avec la science il faut te concilier
C’est le savoir qui forge la conscience
L’être ignorant est un irrégulier
Si l’énergie indique un caractère
La discussion en dit la qualité
Entends, réponds, mais ne sois pas sectaire
Ton avenir est dans la vérité
au refrain


Place pour tous au banquet de la vie
Notre appétit seul peut se limiter
Que pour chacun la table soit servie

Paroles de Charles d’Avray

Le Pain volé, 1893



Y avait un pauvre ouvrier,
Laïoulaire et laïoulé !
Y avait un pauvre ouvrier,
Qui n’pouvait plus travailler.
Avait un gentil bambin
Laïoulaire et laïoulin !
Avait un gentil bambin
Qui lui disait : « P’pa, j’ai faim ! »


Chez un boulanger entra,
Laïoulaire et laïoula !
Chez un boulanger entra,
Prit un pain et s’ensauva.
Lboulanger l’avait guetté,
Laïoulaire et laïoulé !
L’boulanger l’avait guetté,
Tout d’suit’ le fit arrêter.


Pour ce vol phénoménal,
Laïoulaire et laïoula !
Pour ce vol phénoménal,
Comparut d’vant l’tribunal.
« Monsieur, si j’ai volé c’pain,
Laïoulaire et laïoulain !
Éditeur Meuriot
Monsieur, si j’ai volé c’pain,
C’est pour mon p’tit qu’avait faim ! »


L’tribunal le condamna,
Laïoulaire et laïoula !
L’tribunal le condamna,
A trois mois d’prison pour ça.
Apprenant la mort du p’tit,
Laïoulaire et laïouli !
Apprenant la mort du p’tit,
En prison, l’père se pendit.


Au tribunal du bon Dieu,
Laïoulaire et laïouleu !
Au tribunal du bon Dieu,
Parut avec son p’tit fieu.
« Monsieur, si j’ai pris ce pain,
Laïoulaire et laïoulain !
Monsieur, si j’ai pris ce pain,
C’est pour l’enfant qu’avait faim ! »


EPILOGUE
Au pauvre homme stupéfait,
Laïoulaire et laïoulait !
Au pauvre homme stupéfait,
Dieu dit : « Vous avez bien fait ! »

Paroles de Jules Jouy

Le Temps des Crises, 1886

Vous regretterez le beau temps des crises
Quand, pauvres sans pain, et riches gavés,
Nous serons aux prises !

Les drapeaux de Mars flotteront aux brises,
Les drapeaux vermeils sur qui vous bavez…

Vous regretterez le beau temps des crises

Quand viendra le peuple en haut des pavés !

Quand vous pleurerez le beau temps des crises
Le vil renégat et l’accapareur
En verront de grises !
Les politiciens auront des surprises,
Les Judas, au ventre, auront la terreur…
Quand vous pleurerez le beau temps des crises,
Grondera partout la Rue en fureur !

Profitez-en bien du beau temps des crises
Où le Peuple jeûne et pense en rêvant
Aux terres promises !
Quand donc viendras-tu fondre les banquises,
Ô grand soleil rouge, ô soleil levant…
Profitez-en bien du beau temps des crises
Où le Peuple veille et s’en va rêvant !

 

Paroles de Jules Jouy

Pierre-Joseph Proudhon

Être gouverné, c’est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n’ont ni le titre, ni la science, ni la vertu… Être gouverné, c’est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé. C’est, sous prétexte d’utilité publique, et au nom de l’intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre résistance, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale ! 

Revue de presse du 8 août 2024

Royaume-Uni : le bruit et la fureur racistes déchaînés – NPA Révolutionnaires

Depuis plus d’une semaine, moins d’un mois après l’arrivée au pouvoir de la gauche (Labour), le Royaume-Uni est en proie à des émeutes racistes auxquelles participent des dizaines de milliers de personnes dans tout le pays, surtout en Angleterre. Des mosquées, des centres d’hébergement de demandeurs d’asile ont été pris pour cibles par des foules d’émeutiers. À Rotherham, un hôtel hébergeant des demandeurs d’asile a été attaqué par 700 personnes qui ont lancé un départ d’incendie.

Lire la suite ici

Navigation